septembre 13, 2023

30 ans du Sleep-in

EN 2023, LE SLEEP-IN FÊTE SES 30 ANS

Version en français du discours fait lors de la fête des 30 ans :

« Je souhaite commencer par une petite introduction. Si nous ne vous accueillions pas dans la maison du Sleep-in directement mais ici à La Demeure, c’est parce que nous souffrons d’une infestation de punaises de lit. Merci à la Demeure pour son accueil. Je suis quand même obligée de dire qu’il y a peut-être aussi des punaises à La Demeure donc faites attention, évitez les objets molletonnés.

Voici 2 ans que nous luttons contre cette infestation. Les autorités publiques ont mis beaucoup de temps à prendre au sérieux cette situation. Même encore aujourd’hui une grande partie du travail est porté par notre équipe. La qualité de l’accueil est horrible (ça m’est arrivé de voir des gens partir dormir dans la forêt au milieu de la nuit pour ne pas se faire bouffer par les punaises) et la charge mentale porter par les veilleureuses et les personnes de l’équipe qui s’occupent de ce sujet est beaucoup trop élevée.

Faites passer le mot : Nos conditions de travail sont difficiles, l’invisibilisation de notre apport à la société est très délétère et notre voix n’est souvent pas assez entendue.

Je commence mon discours !

30 ans

Voilà 30 ans qu’un groupe d’activistes a décidé d’occuper un espace à Lausanne pour héberger gratuitement des personnes sans domicile. Voilà 30 ans que ce groupe a évolué mais la mission reste la même. Voilà 30 ans que des personnes de tous types ont gravité dans la maison jaune derrière la friche de Malley.

Parler de l’histoire du Sleep-in est comme parler d’une histoire épique. D’une aventure.

  • Au commencement, un groupe de jeunes activistes se lance dans le projet, sans aide de l’Etat, d’héberger des personnes sans domicile. Il n’y a aucune condition pour pouvoir bénéficier de ce service, il faut juste se présenter à la porte.
  • Le canton de Vaud considère que ce service est d’intérêt public, subventionne l’Association Sleep-in et le centre s’installe dans cette maison.
  • La gestion de l’Association semble inédite. Les membres utilisent un style de gestion qui sera considéré comme révolutionnaire 25 ans plus tard : l’horizontalité aussi appelé flat management ou gouvernance partagée. Après je tiens à préciser que l’horizontalité ou des systèmes similaires s’utilisaient déjà dans plusieurs peuples précoloniaux comme certaines Premières Nations des Amériques ou des peuples Africains qui se réunissaient sous les baobabs.
  • Continuons avec l’histoire du Sleep-in. La maison est là, le subventionnement est là, la gestion est horizontale. L’Association fait partie du réseau Bas Seuil lausannois. Mais la précarité augmente. Le réseau se sature. Et commence une constante qui continue de nos jours : ne jamais accordé assez de places d’hébergement d’urgence.
  • Les différents évènements qui s’en sont suivis passent par la démission de plusieurs membres du Sleep-in lors de la mise en place de la différentiation des personnes par catégories G1 G2 G3. La collaboration entre des personnes sans domicile qui occupaient le jardin du Sleep-in et les membres de l’Association, ce qui a permis la création du collectif Jean DuToit. La collaboration avec l’ALJF afin d’héberger en housing first plusieurs personnes sous-gare puis à Montolieu. Et je ne mentionne pas les autres projets d’hébergements pérennes comme avec Renens par exemple, l’Accueil de Jour, les newsletters, les parutions dans des journaux, les mises en place de certains réseaux, les collaborations pour des études et parutions d’articles et un long très long etc.
  • Et de nos jours, 30 ans plus tard, le Sleep-in refuse des dizaines de personnes à ses portes tous les soirs. Ce qui a éveillé dans notre ville, un élan de revendication incarné par le collectif 43m2. Le Sleep-in n’est pas seul dans sa lutte, beaucoup d’espoir s’incarne dans des actions telles que celles menées par le collectif 43m2.
  • Je vous l’avais dit : l’histoire du Sleep-in est épique. Si vous connaissez quelqu’un qui veut réaliser un documentaire moi je suis prête.

Mais assez parlé de tout ça. Moi je veux parler d’énergie et de beauté.

Le climat politique, le climat économique et le climat climatique sont durs en ce moment. De plus en plus de personnes sollicitent les hébergements d’urgence, de plus en plus d’appartements vides (parce que ça rapporte du fric), la vie chère, les infestations de rats, punaises de lit, presque autant de gens qu’on ne peut héberger que de personnes dans la maison, …………. Et pourtant chaque membre des équipes du Sleep-in passée et présente sont là ou ont été là. Aussi longtemps qu’on le peut. Si c’est peu de temps c’est peu de temps, si c’est longtemps c’est longtemps. Mais on est là. Je n’ai jamais vu, et je ne verrais peut-être plus jamais, autant de présence. Chaque personne de mon équipe m’a donné et a donné aux gens tout ce qu’il ou elle pouvait. Avec une authenticité hors du commun. Et les personnes que nous hébergeons viennent nous saluer, nous invitent à manger, nous parlent de leurs vies, viennent même des fois nous faire un coucou même après avoir quitté la rue, chantent et dansent dans le bureau des veilleurs…. avec une authenticité hors du commun. Parce qu’au Sleep-in tu ne peux pas te cacher. Passer une nuit dans cette maison, rend impossible toute tentative de faux-semblant. Au Sleep-in tu ne peux pas te cacher. Tu es face à la capacité qu’à l’humanité de jaillir dans tous les contextes de la vie. En passant quelques temps dans notre maison jaune tu vois, tu ressens, qu’en réalité il n’existe pas de déshumanisation. Ce qui existe c’est une constante recherche d’humanisation. Et ça c’est beau, c’est magnifique. C’est ça qui fait que ce travail est unique.

Et c’est ça qui me rend fière. D’une fierté à m’en faire exploser la poitrine par moment. Ça donne de l’espoir que de savoir qu’il existe des espaces où on peut ressentir l’humanité avec autant de force.

Alors j’invite mon équipe, j’invite tous les anciens et anciennes travailleureuses du Sleep-in et toutes les personnes que nous hébergeons ou avons hébergé, à se sentir fiers. Justement parce que ça n’est pas toujours bien vu de se sentir fier et justement parce que la survie constante rend difficile cette reconnaissance, nous méritons ce moment. Nous méritons de nous célébrez. Fermez les yeux même si vous en avez besoin. Prenez ce temps, quelques secondes, pour vous, pour vous sentir fières. Fières d’être vivant et humain. Fières de toujours maintenir vivante l’humanité à l’intérieur de vous et tout autour de vous. »

**********************************************************************

English version of the speech given at the 30th anniversary party:

« I would like to start by an introduction. If we don’t receive you in the Association’s house, it’s because we suffer from a bedbug’s infestation. Thank you to La Demeure to welcome us here today. I feel under the obligation to warn you : there’s maybe also bedbugs here. So pay attention, avoid pillow-like stuffs.

It’s been 2 years we fight against this infestation. Politicians waited a very long time before taking seriously this matter. Even today we alone still carry a huge part of that work. The quality of our hosting services are horrible (I’ve seen people go off to sleep in the forest in the middle of the night to avoid being eaten by bedbugs). The mental burden carried by the night workers and our team members responsible of this matter is way too high.

Spread the word : Our working conditions are difficult, our contribution to society is hidden which is very harmful, and our voice too often goes unheard.

I start my speech !

30 years

It’s been thirty years that a group of activists occupied a building in order to offer shelter to houseless people without the help of the government. It’s been thirty years that this group of people kept changing, but the mission remains the same. It’s been thirty years that so many type of people have come in our yellow house in the middle of Malley.

Sleep-in’s history is epic! I feel like telling an adventure.

  • At the beginning, a group of activists starts a crazy project, without the help of the government:  offer shelter to houseless people. No conditions are required, people just have to present themselves at the door.
  • The Canton de Vaud considers this service as necessary, gives money to the Sleep-in Association and the shelter stays in this house.
  • The management of the Association seems unprecedent. Members use a style of management seen as revolutionary 25 years later: a horizontal management, also called flat management or gouvernance partagée (in French). I just would like to say flat management or similar governances were already used in pre-colonized communities like some First Nations in America or some African cultures under their baobabs.
  • Let’s go back to Sleep-in’s history! We have the house, we have the money, the management is horizontal. The Association is part of the Reseau Bas Seuil Lausannois Lausanne’s Precarity Network. But! The extreme poverty is rising. The network is overloaded. It’s a that moment that starts a constant that is still done today: never provide enough places for emergency accommodation.
  • The different events that happened after goes from the resign of many Sleep-in members when people were separated in the G1 G2 G3 categories. The collaboration between houseless people living in our garden and Sleep-in workers in order to create Jean Dutoit collective. The collaboration with ALJF to host in housing first many people first near Lausanne’s train station and after in Montolieu. And I don’t have time to talk about the other housing projects with Renens for example, the Accueil de Jour (Day Accommodation), the newsletters, the articles in the newspapers, the collaborations for school’s surveys, and a very long etc.
  • And nowadays, thirty years later, Sleep-in refuses dozens of people every night. This reality has awakened a surge of revolution carried by 43m2. Our Association is not alone in this fight, a lot of hope is visible in many operations like the ones done by 43m2.
  • I told you: Sleep-in’s history is epic. If you know someone willing to create a documentary, call me.

But enough with that! I wanna talk about energy and beauty.

The economy, politics and the climate are getting more rough day by day. More and more people need emergency shelter, more and more empty appartements (because it makes rich people get richer), everything is more expensive, the rat’s infestation, bed bugs, sometimes as many people sleeping outside the house than inside, ………. Yet we are here. Yet every member of the Sleep-in teams, past and present, are or have been present. As long as we could. It could have been a short time, it could have been a long time. But we are and were here. I have never seen, and I will probably never see, such presence. Every member of my team has given me and given to the people all they could. With an unprecedent authenticity. And the people that come here, come say hi to us, they give us some of the food they cooked, they talk to us about their lives, they even come sometimes to give us news of their new apartment, they sing and dance in our office, …… with an unprecedent authenticity. Because here, in our Sleep-in center, you cannot hide. Spending one night in this house, makes every attempt to false pretense impossible. At Sleep-in, you cannot hide. You’re face to face with the capacity humanity has to manifest itself in every environment. After spending some time in our yellow house, you see, you feel, that actually, dehumanization doesn’t exist. What does exist is a constant search for humanization. And that! is beautiful, that is magnificent. It’s what makes this job so unique.

And it’s what makes me proud. So proud sometimes I cannot contain it in my chest. It gives me hope to know there’s places where you can feel, with such force, humanity.

Well then I invite my team, all the people of the past teams and all the people that have come and keep coming here to sleep, to feel proud. Especially because everything tells you, you shouldn’t and especially because survival makes it so hard, we deserve this moment. You can even close your eyes if you need to. Take some time, some seconds, for you, to feel proud. Proud to be alive and human. Proud to always keep alive humanity inside and around you. »