Association  Sleep-In
Nous recherchons des logements vides !

Franchement… C’est chaud ! On sait même plus par où commencer…. 

Peut-être commençons par le 27 avril. Ce soir-là avec ma collègue, on a comme souvent refusé une dizaine de personnes aux entrées. Il pleuvait donc, on ne va pas se mentir, ce n'était pas super agréable à faire. À l’intérieur, alors que notre capacité officielle est de 26 personnes, on en a accueilli 47 !! Il faut dire qu’il y avait 11 femmes et 11 enfants aux entrées, on n'a pas pu les laisser dehors. Bref, la soirée débute et honnêtement, c’était vraiment chouette. Certes, la maison flirtait avec son record d’affluence, mais l’ambiance en valait la peine : musique et danse dans le salon, grosses casseroles pour des repas partagés ainsi que les enfants qui nous font des dessins. Une bonne soirée agitée comme on les aime !

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Après avoir préparé le petit-déjeuner et laisser un petit encas pour une personne de 69 ans qui est en période de ramadan, nous nous sommes posés dans le bureau. Assez naïvement, je partageais avec ma collègue le fait que j’avais apprécié l’atmosphère, la dynamique de la soirée. Elle m’a alors répondu, « C’était cool, mais en vrai.. C’est chaud ! Ça va être la merde là… ». Simple et efficace, sa réponse m’a fait dézommer la situation et prendre conscience à quel point les prochaines semaines allaient être intenses.

En fumant une cigarette, on fait le point : ce soir, nous avons refusé une dizaine de personnes tout en ayant pris 21 personnes de plus que notre capacité officielle. Au soir du 30 avril, le Répit fermera ses portes. Cette structure, installée dans une halle de Beaulieu, accueille plus d’une centaine de personnes chaque soir. Ensuite, l’Étape sera démoli dans le courant de juin en raison des travaux d’agrandissement de la gare de Lausanne. Ce sont donc 50 places qui seront à leur tour supprimées. Enfin, à la fin du mois de juin, la structure de Montolieu fermera à son tour ses portes. Elle qui permet également de loger 50 personnes. Pour contre balancer ces trois fermetures, Saint-Martin ouvrira avec une capacité de 37 places. Si on fait le calcul, je crois que, comme dirait le poète, la question, elle est vite répondue : il va manquer environ 170 places…

Comme pressenti, le mouvement de solidarité de nos autorités s’essouffle avec la fin de la crise covid. À croire que désormais dormir dans la rue ne sera pas si désagréable que ça. Au milieu de tout ça, notre regard se tourne vers la gare de Lausanne et la barre d’immeuble du Simplon qui comprend les entrées num. 22, 24 et 26. Depuis novembre 2019, nous avons mis 24 appartements à disposition de personnes qui fréquentaient notre hébergement d’urgence. Comme si la situation n’était pas assez critique, cet immeuble sera détruit dans le courant du mois de juin. Ce sont donc les 57 personnes que nous logeons là-bas qui risquent de retourner à la rue. À noter que nous ne comptons ici même pas la centaine d’étudiant.e.s qui cohabitent avec nos locataires dans cette bâtisse.

 

Vue depuis chez Bruno, habitant du Simplon.

Depuis plusieurs semaines, on met une bonne partie de notre énergie à trouver des solutions de relogement pour ces personnes. Chaque lundi et mercredi, nous nous rendons sur place le temps d’une permanence et, en ce moment, on n'est pas bien quand on en ressort.

Nos permanences, c’est cette famille dont le père travaille à 100% et les quatre enfants sont scolarisés. C’est ce gars qu’on connaît depuis des années et qui peine à se réinsérer sur le monde du travail, car il a passé la cinquantaine et que tu n’es alors plus assez rentable sur les chantiers. C’est cette Suissesse de 79 ans qui galère avec une retraite à moins de 2000.- et qui est censée pouvoir se débrouiller seule et payer son logement, sa nourriture et ses frais médicaux. Ce sont ces familles rroms qui, grâce au fait d’avoir un appartement, ont trouvé des emplois, ont pu obtenir un permis B et scolariser leur enfant.

Nos permanences, ce sont des dossiers par dizaine déposés dans des gérances. Nombreuses sont les personnes qui travaillent et peuvent assumer un loyer, mais ne sont pas assez solvables aux yeux du marché immobilier. Alors on se dit que ça va être difficile… Nos permanences en ce moment, ce sont toutes ces personnes qui viennent nous demander : « Vous arrivez à trouver quelque chose ? »

Aujourd’hui, on bosse ! Énormément même ! On a contacté les communes, les gérances, les promoteurs immobiliers, les privés et les autorités. On ne lâche pas l’affaire, on y arrivera. Comment ces personnes âgées ou vulnérables, ces enfants et ces travailleur.euse.s peuvent être laissé.e.s à l’abandon par le système ? Comment peut-on accepter que ce même système écrase les plus démuni.e.s dans l’indifférence générale ? Cela ressemble au cri d’un vieux dinosaure aigri par les années de travail. Pourtant, aujourd’hui, nous ne sommes pas animé.e.s par la rage ou la haine. C’est la peur qui nous motive. La peur d’échouer, la peur de décevoir toutes ces personnes qui mettent beaucoup d’espoir en nous, la peur de retrouver ces gens devant la porte de notre hébergement d’urgence à la fin du mois de juin.

Le bas-seuil vaudois est en crise ! Osons les termes : c’est la merde ! Les structures ferment, les gens se retrouvent à la rue, théoriquement, ce sont 230 places qui vont manquer à Lausanne. Nous avons le sentiment que ça n’a jamais été aussi tendu… Au milieu de ce chaos, nous avons notre combat à mener, celui de permettre au peuple du Simplon de continuer de mener une vie digne, de pouvoir amener leur enfant à l’école, pouvoir se reposer le dimanche après s’être épuisé dans des emplois précaires toute la semaine. On peut y arriver mais certainement pas seul.e.s. On a besoin d’aide, on a besoin que les autorités se manifestent, on a besoin que les gens et les communes qui possèdent des bâtiments vides nous les mettent à disposition. On a besoin que les choses se fassent ensemble !

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